La pensée dominante concernant le système électrique des huit ministres de l’écologie qui se sont succédé dans les deux derniers quinquennats a été de travers. Leur motivation principale a été, en suivant le mouvement historique Négawatt antinucléaire qui a été un fondement de la cohésion du mouvement se prétendant écologique, de couvrir la France par un envahissement éolien détruisant l’harmonie de nos sites et monuments, et face aux intermittences incontournables de ces productions de fantasmer sur le stockage hydrogène. Rappelons que lors de sa prise de pouvoir, les premières paroles de Nicolas Hulot ont été de fermer 16 réacteurs, et donc de développer éolien et solaire, et qu’aujourd’hui, ayant choisi le positionnement d’un prophète, il regrette dans une interview que l’on passe pour un bobo quand on parle d’éolien. Je lui réponds que défendre des idées ruineuses et fumeuses est justement un comportement de bobo.
Mais la contribution de cette technologie à sauver le climat restera marginale
Introduction : les conclusions de l’Académie des technologies
L’Académie des technologies vient de rédiger un remarquable rapport objectif sur les bénéfices que la France pourrait retirer d’un plan hydrogène.
L’hydrogène est à la mode. Tous les médias évoquent la part des 100 Mds du plan de relance qui lui est consacrée, et envient les moyens beaucoup plus importants dont dispose l’Allemagne désireuse d’assurer son leadership dans cette technologie. Mais il n’a pas échappé à la speakerine de la 2 que produire de l’hydrogène à partir de l’électrolyse de l’eau à partir d’électricité décarbonée coûte aujourd’hui beaucoup plus cher que l’existant
Après une analyse complète de "benchmarking" faisant le point sur les différentes politiques ambitieuses dans le monde de développement des industries nationales dans les technologies de l’hydrogène, l’Académie a choisi à jute titre une approche résolument constructive, tirant en particulier les conséquences de catastrophiques désindustrialisations récentes, considérant que la France dispose déjà d’industries fortes qu’elle se doit de renforcer face à la compétition mondiale, et appelle donc à un ambitieux plan hydrogène. Nous connaissons tous l’Air Liquide , leader mondial dans sa spécialité, Alstom promoteur du train à hydrogène, Total en pointe sur les technologies de capture du carbone, solution associée au "vaporéformage", et d’après les calculs de l’Académie , pouvant revendiques la compétitivité face à l’alternative d’électrolyse pour produire de l’hydrogène décarboné. Mais il ne faut pas oublier tout le réseau de sous-traitants contribuant à la constitution d’un véritable pôle industriel.
Pour l’Académie le premier objectif serait de remplacer le moyen traditionnel à partir de "vaporeformage" de gaz alimentant les besoins des industries, disposant d’une logistique par tuyaux déjà amortie (principalement les raffineries et la fabrication d’ammoniac pour engrais), émetteur des 3 % des émissions de la France. Mais , même en supposant que les électrolyseurs puissent travailler dans les meilleures conditions économiques, par exemple en fonctionnant 8000 heures par an à partir d’une alimentation stable de réacteurs nucléaires dont on pourrait utiliser en même temps la chaleur et l’énergie électrique, situation analogue à celle d’Aluminium Dunkerque se fournissant auprès de la centrale de Gravelines, on serait encore sensiblement plus cher que le traditionnel "vaporeformage" bénéficiant d’un prix mondial du gaz encore très bas. Cela supposerait pour des industries soumises à concurrence un accord européen acceptant le principe d’un soutien écologique de l’État ou d’une taxe carbone touchant, y compris pour nos voisins européens, les importations produites à partir de procédés carbonés, ce qui laisserait prévoir un dialogue musclé avec notre partenaire et concurrent européen allemand, qui, tant pour des raisons idéologiques que pour son ambition industrielle, se refuse à accorder la couleur verte décarbonée à un hydrogène produit à partir de nucléaire.
Partant du constat que, hors les transports par le réseau actuel de tuyaux déjà amortis, la logistique de l’hydrogène par camion (seulement 3 t qu’il a fallu comprimer et liquéfier) est très chère, beaucoup plus que sa fabrication, l’Académie recommande pour des besoins diffus, par exemple petites industries ou centre d’alimentation de trains, taxis ou camions fonctionnant à l’hydrogène, de le produire sur place à partir d’électrolyseurs fonctionnant 8000 heures/an et bénéficiant du prix de l’électricité française décarbonée à 92% des industries électrointensives.
Contribution de l’hydrogène à une décarbonation du transport
Nous constatons que l’électrification du transport à partir de batteries, solutions proposées aujourd’hui par les constructeurs, se heurte à deux handicaps qui limitent sa croissance :
Le coût des batteries qui limitent l’autonomie de ces véhicules, affichée à 500Km pour les modèles de demain, réduite en pratique sur autoroute en cas de pluie et de froid à environ 300Km, en limite l’application aux VL. Leur poids n’est pas compatible avec la traction des poids lourds. De plus une logistique sure et performante de stations de recharges n’est pas pour demain. Le pionner norvégien constate déjà des problèmes lors des déplacements de W.E.
L’hydrogène permet une autonomie beaucoup plus grande et apparait donc pour beaucoup de commentateurs enthousiastes comme une solution d’avenir.
Mais il a un handicap : le cumul des différentes cascades de rendements partant de l’alimentation électrique des électrolyseurs jusqu’à la pile à combustible du véhicule limite le rendement énergétique depuis l’alimentation par le réseau électrique jusqu’à la jante à aujourd’hui 25% (40%pour un tracteur routier sur autoroute, 15 à 25% pour un taxi, tous deux alimentés au gazole). Mais la solution du véhicule à batterie fait trois fois plus, 75%de rendement, l’alimentation par caténaire encore mieux. L’Académie a bien relevé qu’électrifier via l’hydrogène 25% du parc automobile appellerait une consommation de 60TWh/an comparée au 475TWh/an de la consommation d’électricité de la France. Hors au vu des décisions déjà prises par le politique, fermeture de Fessenheim, procrastination sur le nouveau nucléaire, refus de principe de toute nouvelle centrale au gaz, il est impossible qu’à l’horizon 2050 notre pays puisse dégager une telle ressource d’énergie électrique stable pour décarboner le transport, alors qu’avec la même énergie on pourrait par batterie ou caténaire faire trois fois plus de km. Je rejoins donc la conclusion de raison de l’Académie qui recommande que la France se concentre sur les trains à hydrogène développé par le leader Alstom, monté aujourd’hui en Allemagne, certes, mais bénéficiant d’un centre de compétence hydrogène basé à Tarbes. En France la moitié du réseau qui n’est pas électrifié ne concentre que moins de 5% des Voyageurs kilomètres. Suivant le conseil de l’expert Pierre Messulam ayant écrit un livre conseillant que la SNCF devrait se concentre sur mieux faire, ce qu’elle sait déjà bien faire et se délester de ce qu’elle ne sait pas bien faire, l’hydrogène ferroviaire devrait par priorité se concentrer sur le réseau TER rendant de réels services aux transports des banlieues des agglomérations.
Les contraintes de la logistique de l’hydrogène interdisent son application au transport de grand ensembles routiers qui parcourent toute l’Europe. Un projet alternatif européen d’électrification par caténaire de l’essentiel du réseau européen d’autoroutes devrait être étudié en concurrence avec la solution hydrogène. Trois raisons me font croire à la compétitivité d’un tel projet :
-Les études d’EDF R&D sur l’injection de 40% d’électricité renouvelables sur la plaque électrique européenne, tout en gardant une grande part du potentiel pilotable actuel, dont tout le nucléaire, conclut que l’on pourrait tendre vers 2050-2060 vers moins de 150gCO2/kWh d’électricité moyenne européenne, soit 2,5 fois moins qu’aujourd’hui. Cela permettrait de diviser par environ huit les émissions kilométrique de gaz carbonique.
-Tirer des caténaires est une solution connue et relativement modérée, de l’ordre d’un million d’euros par km.
-Enfin le succès connu par vingt ans de productions de véhicules hybrides par Toyota démontre que le prix d’une traction hybride peut approcher celui des solutions traditionnelles diesels.
A ce jour l’Allemagne avec Mercedes a été pionnière sur ce projet. La France pourrait se joindre à l’étude d’un tel projet européen.
Ma conclusion : L’hydrogène peut certes compléter les solutions batteries et caténaires, par exemple centres de distributions régionales au départ de raffineries, cimenteries, ou d’entrepôts de la grande distribution, et quelques transports voyageurs urbains, par exemple le test de Pau. Mais je ne le vois pas contribuer à plus de quelques pour cent de la décarbonation du transport lui-même responsable de 30% de nos émissions liées à l’énergie. Quant au moyen-courrier compétitif d’Airbus à l’hydrogène laissons- le aux rêves.
En dehors des 3% d’émissions d’aujourd’hui de l’hydrogène carboné consommé par l’industrie, L’hydrogène décarboné n’aura qu’une contribution fort limitée à la réduction des émissions françaises liées à l’énergie, de l’ordre du %. Mais il faut le faire.
Faisabilité d’un "power to gaz" à partir d’hydrogène
L’hydrogène peut-il stocker des excédents d’énergies renouvelables et donc contribuer à un système électrique 100% renouvelable, objectif affiché du ministère de l’écologie ?
Le rapport de l’Académie est très clair sur ce point dans ses recommandations :
« Cependant le stockage massif d’hydrogène pour produire de l’électricité dans la logique "Power-to-Gas-to Power" n’a pas de modèle économique convaincant d’ici 2050 »
L’Académie des sciences avait déjà averti en 1998 dans son cahier d’acteur :
« …. Dans l’état actuel du débat, nos concitoyens pourraient être conduits à penser qu’il serait possible de développer massivement les énergies renouvelables comme moyen de décarbonation du système énergétique en se débarrassant à la fois des énergies fossiles et du nucléaire. Ce n’est malheureusement pas le cas….. »
L’Académie des technologies a retenu deux critères de raison pour juger de l’intérêt climatique et économique de différentes utilisations envisageables de l’hydrogène. Le coût de production de l’électricité obtenue et le coût de la tonne de carbone évitée. Les développements du rapport mettent en évidence des ordres de grandeur exorbitants pour le "power to gaz", électricité produite à plus de 500€/MWh, soit dix fois plus que les prix de marché et de 1200 à 1900€/tonne de carbone évité pour le cas le plus fréquent de centrales au gaz.
« Lorsque l’homme de travers utilise un moyen juste,
alors le moyen juste opère de travers » Carl Gustav Jung
La pensée dominante concernant le système électrique des huit ministres de l’écologie qui se sont succédés dans les deux derniers quinquennats a été de travers. Leur motivation principale a été, en suivant le mouvement historique Négawatt antinucléaire qui a été un fondement de la cohésion du mouvement se prétendant écologique, de couvrir la France par un envahissement éolien détruisant l’harmonie de nos sites et monuments, et face aux intermittences incontournables de ces productions de fantasmer sur le stockage hydrogène.
Rappelons que lors de sa prise de pouvoir, les premières paroles de Nicolas Hulot ont été de fermer 16 réacteurs, et donc de développer éolien et solaire, et qu’aujourd’hui, ayant choisi le positionnement d’un prophète, il regrette dans une interview que l’on passe pour un "bobo" quand on parle d’éolien. Je lui réponds que défendre des idées ruineuses et fumeuses est justement un comportement de "bobo".
Remercions l’Académie des technologies qui nous a offert un rapport permettant à la France d’utiliser avec pertinence le moyen juste hydrogène. Et conseillons au Président de la République et aux ministres concernés d’écouter et de recevoir les Académies des Sciences et des technologies, et ainsi de tracer avec droiture, donc efficacité les perspectives d’une transition énergétique réussie.
Jacques Peter pour Énergie Vérité, le 11/09/2020
Il faut, par électrolyse, 50KWh pour produire 1Kg d'hydrogène