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Le financement participatif : encore des dérogations pour enrichir la filière éolienne.

Dernière mise à jour : 4 juil. 2019

Principe

La participation citoyenne offre un cadre pour inciter des personnes peu avisées en matière financière (les « citoyens ») à financer un projet à caractère social, culturel ou environnemental. Il est particulièrement conçu et utilisé pour les ENR.

Le financement apporté peut être un prêt ou du capital, dans une proportion totalement variable, et même impliquer le vote des participants. Les participants peuvent être des personnes physiques, des sociétés intermédiaires, ou des collectivités.

Cadre légal

Le cadre légal du financement participatif aux personnes est régi :

- Par le Code de commerce (droit des sociétés), commun à toutes les sociétés,

- Par le Code monétaire et financier, qui renvoie au Règlement général de l’AMF dont la mission est d’organiser les OPTF (Offres publiques de titres financiers). Ce règlement inclut les dispositions dérogatoires prévues depuis 2014 par l’Ordonnance sur le financement participatif. Cette ordonnance et son décret d’application :

- Il exempte notamment les leveurs de fonds d’une information «exacte, précise et sincère de l’offre» comme cela est exigé de tous les appels publics à l’épargne en application des règles édictées par le CMF (Conseil des Marchés Financiers)

- Il lève les obligations d’encadrement strict du démarchage commercial protégeant habituellement le public,

- Il facilite le recours aux plateformes commerciales sur internet (en les agréant selon deux statuts différents selon qu’il s’agit d’actions ou d’obligations, ou de simples emprunts).

La loi ESS du 31 juillet 2014 (Économie Sociale et Solidaire) assouplit considérablement les conditions de financement participatif pour les ENR dès lors que l’entreprise dispose de l’agrément ESUS (Entreprise solidaire d’utilité sociale).

La possibilité d’obtenir des prêts des particuliers est une dérogation au droit bancaire qui dispose du monopole des prêts.


Collectivités territoriales

Les collectivités territoriales peuvent investir de façon très encadrée pour participer à des opérations commerciales en créant des SEM (sociétés d’économie mixtes).

Les communes et leurs groupements ont normalement interdiction d’investir directement dans des sociétés commerciale mais l’article L.2253-1 du Code général des collectivités territoriales a été spécifiquement modifié pour y déroger en matière d’ENR :

« Les communes et leurs groupements peuvent, par délibération de leurs organes délibérants, participer au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou sur des territoires situés à proximité et participant à l'approvisionnement énergétique de leur territoire."

Cette disposition dérogatoire au droit commun des collectivités territoriales a pour but de les inciter à s’impliquer financièrement dans les projets d’ENR.

Le risque est qu’elles prennent des engagements non maîtrisés, différés dans le futur, et non comptabilisés (défaillance financière de l’opérateur, couverture des risques résultant des opérations dont, au cas particulier des éoliennes, le coût du démantèlement final).

Une note de l’ADEME (Financement participatif) s’étonne du manque d’encadrement prévu par la loi :

« De façon assez surprenante l'article ne donne aucune précision quant au seuil de participation des collectivités dans les SA et les SAS. L'article ne précise pas non plus les conditions d'encadrement des participations publiques alors que pour les SAS l'organisation du pouvoir est très libre. L'article ne prévoit pas non plus de décret d'application » (Etude faite en décembre 2015 par Rhône AlpEnergie Environnement). Il n’est pas précisé si le cadre légal a évolué.


Statut juridique

Les possibilités de structures juridiques sont nombreuses pour monter des opérations en financement participatif : sociétés commerciales (S.A., S.A.R.L, S.A.S), sociétés coopératives (ne distribuant pas de dividendes), sociétés d’économie mixtes pour les collectivités territoriales (lesquelles sont des sociétés anonymes à objet commercial avec un encadrement légal renforcé : elles permettent d’associer des actionnaires privés ou de prendre des participations dans des sociétés privées. Il est enfin possible de créer des sociétés intermédiaires, groupant des personnes en vue d’investir dans une des sociétés ci-dessus.


Levée de fonds

Les fonds sont principalement levés par des plates-formes « internet ». Celles-ci proposent des financements de projets ayant le caractère social, culturel ou environnemental après un processus d’agrément délivré par les pouvoirs publics. Ces plates-formes collectent soit des dons, soit des prêts, soit des participations financières (capital). Une levée de fonds inférieurs à 1M€ en douze mois par projet dispense de publier le prospectus d’information obligatoire prévu par l’AMF pour les autres appels publics à l’épargne (Autorité des Marchés Financiers) et dont l’objet est de protéger l’épargnant.


Fonctionnement

En pratique, les porteurs initiaux des projets d’ENR étant des développeurs privés, leur objectif est avant tout de porter un message « commercial » tendant à améliorer l’acceptabilité des projets présentés. Pour des raisons d’indépendance dans la poursuite de leurs intérêts, ils ne souhaitent pas impliquer de tiers dans une gestion qu’ils maîtrisent et dont ils souhaitent garder l’exclusivité. Les techniques fiscales utilisées par la plupart des opérateurs relèvent de plus de la plus stricte confidentialité ce qui, au vu de rentabilité exceptionnellement élevées, entretient des pratiques d’opacité comptable et est peu compatible avec l’appel financier à des tiers.

L’ADEME, relayée par EDF Renouvelables, met publiquement en avant le fait que les projets d’ENR, par les garanties reçues, permettent un financement bancaire à 100 %. Le financement participatif n’est donc nullement nécessaire pour ces projets.

L’adaptation de dispositions spécifiques d’un dispositif plus large aux seules ENR, et aux éoliennes en particulier, n’est fondée sur aucune raison économique objective. Elle est une décision des pouvoirs publics de doter les porteurs de projet d’un outil supplémentaire d’acceptabilité… et de compromettre des citoyens qui, une fois impliqués, ne pourront juridiquement plus contester !

Un projet d’éoliennes se chiffre fréquemment à des montants supérieurs à 10 M€. L’annonce d’un financement participatif, qui ne requiert que des sommes modiques, est un vecteur exclusivement commercial mais à aucun moment un impératif financier. Il s’agit dans presque tous les cas d’un emprunt de faible montant, à très court terme à un taux d’intérêt un peu supérieur à celui de l’épargne populaire, pour bénéficier de l’effet d’annonce mais très loin d’un partage des bénéfices.

"C'est un succés !", triomphe le promoteur...

Effet de la tarification

En matière éolienne, la tarification octroyée au promoteur prévoit dorénavant une prime de 3 € au MWh produit en cas de recours au financement participatif. Les projets moyens d’éoliennes sont de 5,5 mats et d’une puissance totale de 2 MW. Dans le mécanisme des compensations de prix, cette prime s’ajoute au prix de 72 € prévu. On peut en déduire que la rémunération supplémentaire sera de l’ordre de 800 K€ par projet et que, pour cette raison, la plupart des projets éoliens feront appel au financement participatif.


Exemple de rémunération issue du financement participatif

L’exemple de l’annonce d’un projet de six éoliennes avec financement participatif en Eure et Loir démontre que, pour un projet de six éoliennes et 10 M€, le promoteur utilise médiatiquement le projet participatif. Il propose un emprunt de 50 K€ et une rémunération à 6 % pendant deux ans. Le coût réel marginal pour le promoteur est de 4 k€ (6% payés moins 2% qu’il aurait de toute façon payé pour un emprunt bancaire). La production estimée à 21 % de rendement pour un parc éolien de 16 MW est susceptible de lui assurer un profit marginal de 827 K€ en 15 ans. Le financement participatif ne lui coûtant que 4 k€ lui rapporterait donc la somme de 827 k€.

On ne peut donc que s’interroger sur un pareil rendement financier et sur sa justification tant économique que sociale.

Le fait qu’il s’agisse d’engagements financiers au bénéfice d’une centaine d’entreprises bénéficiaires qui ne sont pas transcrits dans la comptabilité publique ouvre d’autres interrogations.



Arnaud Casalis, Energie Vérité

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