Hervé, Ciara, Inès, Dennis, Covid et les autres... Depuis janvier, la France est balayée par des tempêtes ; des tempêtes météorologiques « classiques », Hervé, Ciara, Inès, Dennis, Bianca, Jorge… ; elles ont été suivies par une tempête pandémique, COVID, tempête sidérante, inouïe. Tous ces phénomènes, envoyés par Mère Nature, éprouvants pour les populations, induisent les mêmes effets sur le marché de l’électricité : Un profond déséquilibre.
Ce déséquilibre apparaît, - Soit avec un excès d’offre non pilotée et trop abondante (une tempête météo), - Soit avec un effondrement de la demande (activité économique en berne). Dans un marché normal, les agents économiques qui participent s’efforcent d’adapter leur offre à la demande, de sorte qu’un prix de marché s’établit à la hausse ou à la baisse dans des proportions raisonnables. Dans le marché français de l’électricité où une part de plus en plus grande d’agents économiques produisent un service non- piloté, où le marché est obligé d’absorber cette offre de service même s’il n’est pas demandeur, où le service fourni n’est pas stockable, il se produit alors un dérèglement non maîtrisable sur les prix. De même que le pétrole – qui se stocke peu- et parce que l’électricité ne se stocke quasiment pas, les prix peuvent devenir nuls voire négatifs en cas de forts déséquilibres : le producteur doit alors payer l’acheteur pour lui vendre le service… En France, l’affaire devient paradoxale parce que le marché n’est ni en régime libéral, (avec complète liberté des prix) ni dirigiste (avec la planification qui va avec). Le marché français est quelque part entre les deux, dirigisme et libéralisme : L’opérateur historique doit vendre un quart de sa production à ses concurrents à prix fixe, les producteurs d’électricité qui produisent à partir d’énergies renouvelables, et bénéficient, eux, de prix subventionnés à long terme (des « agents privilégiés ») … Si la collectivité achète à prix fixe un service produit par cette catégorie d’agents privilégiés, que leur prix de vente est complètement décorrélé du prix de marché et que la collectivité pour équilibrer ces flux, utilise taxes et impôts acquittés par le consommateur ou le contribuable, la situation paradoxale devient absurde, voire totalement injuste, au regard des sacrifices qui sont exigés par ailleurs de la part de la collectivité. Dans le cas d’une tempête météorologique « classique », le phénomène du déséquilibre passe à peu près inaperçu ; il dure quelques jours – le temps que le réseau se rétablisse- le contribuable, habitué aux gaspillages publics en voit d’autres. En revanche, avec l’arrêt quasi complet de l’activité économique imposée à la population depuis deux mois maintenant avec COVID, avec l’effondrement de la production intérieure de plus de 20% (du jamais vu depuis des dizaines d’années), quand la collectivité continue d’acheter de l’électricité inutile au prétexte qu’elle est produite avec des énergies renouvelables à un prix représentant 7 à 8 fois le prix du marché, les conséquences deviennent alors socialement insupportable. Cette situation est d’autant plus inique que le service rendu par les ENR (produire de l’électricité sans émission de CO²) est totalement nul en France, et pour les malheureux voisins des éoliennes, les conséquences sont même nuisibles.
L’impact d’une production d’électricité éolienne non pilotée sur les prix : Aussi bien en régime de vents forts qu’en période d’arrêt de l’activité de production, un surplus non piloté de la production d’électricité d’origine éolienne se traduit immanquablement par un impact à la baisse sur le prix de marché : Avec un régime de vents forts et parce qu’une image vaut mieux qu’un long discours, le graphique ci-après affiche ce que fut la production d’électricité éolienne, en février 2020 (source RTE).
Citons les commentaires de RTE du compte rendu mensuel : « Ce mois-ci, la production éolienne atteint 5,8 TWh, soit plus de deux fois l’énergie produite en février 2019. Sept tempêtes ont traversé la France durant le mois, favorisant un taux de couverture de la consommation par la production éolienne très important (c’est-à-dire le rapport entre la puissance éolienne générée et la consommation intérieure brute du moment). » Le graphique met en évidence qu’en quelques heures, le taux de couverture de la consommation par la production éolienne passait de 2% à 25% et inversement. Des soubresauts en quelques heures, ni prévisibles, ni pilotables, imposent évidemment de maintenir les autres moyens de production (nucléaires et énergies fossiles). Dès lors qu’un agent qui produit en quelques heures 15 à 25% de l’offre, soit une part très significative, intervient de façon intempestive et que sa production doit être absorbée, coûte que coûte, que le marché soit demandeur ou non, la conséquence se fait instantanément sentir sur les prix. C’est d’ailleurs ce qu’explique RTE dans son même compte rendu : « Le prix de marché français est en net repli. Avec 26,3 €/MWh, il est au plus bas pour un mois de février depuis 2016 et recule de 12 €/MWh (-31%) par rapport au mois dernier. Une des principales raisons de cette baisse reste la faiblesse de la demande en énergie électrique liée à la douceur des températures. La production élevée en filières renouvelables, en particulier éolienne, et la baisse des coûts des combustibles (gaz et charbon) sont également des facteurs importants pesant sur le prix. Ainsi, le passage de la tempête Dennis provoque la formation de prix négatifs sur quatre pas horaires en France… » Et pendant ce temps-là, le marché – c’est-à-dire la collectivité - continue d’absorber l’électricité éolienne produite à prix fixe (82€/MWh…) soit 3,15 fois le prix du marché en février. En ce qui concerne maintenant l’arrêt général de l’activité de production et le confinement général de la France, sans surprise, la consommation s’est effondrée. Analysée sur la période de confinement (17/3/20=> 03/05/20), la baisse de consommation atteint 21% par rapport à la même période 2019. Mais, même pendant l’arrêt du pays, l’électricité éolienne, « fatale », continue d’être produite et globalement, la part de l’éolien est montée dans le mix énergétique ; il affiche sur la période du confinement 10,4% de la production alors qu’elle ne représente normalement en moyenne que 5,9%. Sans surprise, du fait de cette surproduction fatale d’origine ENR, le prix de marché sur la période s’est effondré ; il s’établit autour de 12 €/MWh en moyenne sur la période de confinement ; le prix de rachat subventionné atteint cette fois ci 7 fois le prix du marché.
Le graphique suivant montre les différents niveaux prix moyens de marché depuis le début 2020 et les tuyaux d’orgues indiquent le prix, jour par jour, pendant le confinement :
En résumé, les tempêtes du début d’année ont provoqué des chutes du prix de marché et la mise à l’arrêt de l’économie a amplifié le phénomène. Mais pendant ce temps, demande ou non, les producteurs d’électricité ENR continuent de produire ; les subventions payées par la collectivité atteignent maintenant des niveaux insupportables. En 2019, pour les 4 premiers mois, pour acheter de l’électricité aux producteurs éoliens, la collectivité avait payé un surcoût de 470 m€ sur le prix de marché. Un an plus tard, dans la même période, ce surcoût a doublé ; il atteint maintenant le milliard d’euros : 950m€ pour un chiffre d’affaires réalisé de 1.364m€ (au 3 mai 2020), soit 70% des ventes réalisées. Accessoirement, que fait-on de cette électricité fatale dont le réseau n’a pas besoin ? Réponse : Elle est exportée. Du 1/1/20 au 30/04/20, la production éolienne s’est élevée à 16,4 TWh et la France a exportée 22,34 TWh. Cette exportation se faisant au prix de marché, les pays voisins profitent de la bonne affaire, coupent leurs turbines à gaz et achètent à notre prix de marché au tiers ou cinquième du prix ce que la collectivité achète aux producteurs éoliens 82€/MWh. Bienvenue en ABSURDIE !
Michel Faure, Énergie Vérité
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